Denis Mukwege n’est plus sous la protection des soldats onusiens

Depuis l’attentat contre son domicile, le chirurgien qui continue de vivre avec sa famille dans l’enceinte de l’hôpital de Bukavu sous la protection onusienne n’aura plus droit à ce privilège.
C’est, à la limite, une révélation ce qu’avait déclaré le Dr Denis Mukwege au journal Le Monde qui, profitant de la sortie de l’autobiographie du chirurgien intitulé  « Plaidoyer pour la vie », avait résolu de l’interviewer. Dans cet entretien à bâton rompu, « l’homme qui répare les femmes » n’est pas allé par quatre chemins pour décrire ses mésaventures avec les autorités de son pays qui ne le porteraient pas à cœur. Depuis la tentative d’assassinat de 2012 à Bukavu qui a failli lui coûter la vie, sa vie n’a plus connu une courbe normale, tanguant entre la peur de l’inconnu, le doute et l’espoir. « Mon combat et ma franchise dérangent. On m’accuse de salir la réputation du Congo et de nuire à un gouvernement corrompu qui protège l’impunité des violeurs. C’est effarant, car le silence et l’inaction valent la complicité », a-t-il expliqué qualifiant au passage de « très ennuyeux » la situation qui est la sienne désormais.

Après un « exil » de quelques mois en Europe, il est rentré à Bukavu en 2013 où la Monusco assure depuis sa protection. « Depuis l’attentat contre mon domicile, je vis avec ma famille dans l’enceinte de l’hôpital de Bukavu et sous la protection des soldats de l’ONU. Malheureusement, celle-ci vient de m’être retirée », a-t-il annoncé. Aucune explication plausible ne lui a été donnée quant à ce. Ce fait est cependant loin de le décourager dans son apostolat. Bien au contraire, il croit le moment venu de communiquer au monde la tragédie des femmes du Sud-Kivu dont les corps sont devenus des champs de bataille et qui ont besoin d’une assistance à l’échelle internationale.
Quant à lui, il n’entend pas abdiquer dans son obstination à militer pour la cessation du viol qui passe à ses yeux pour une arme de guerre abusivement utilisée par des « colons » des temps présents.  Il se réclame le statut de militant. « Impossible de me taire et de me contenter de soigner ces femmes le mieux que je peux. Impossible de ne pas sortir de mon hôpital pour interpeller le monde, saisir toutes les tribunes possibles pour dénoncer ce qui est une arme de guerre au même titre que les autres », a-t-il déclaré.
Son nouveau combat consiste dorénavant à « convaincre les leaders d’éradiquer le viol avec la même détermination que celle mise pour les armes biologiques, chimiques et nucléaires ». Car il dit:  « Le viol détruit tout autant, même s’il laisse les personnes en vie parce que c’est un déni d’humanité, un recul des acquis de la civilisation et il faut tracer une ligne rouge absolue ». Rappelons que ces dernières années, Denis Mukwege a multiplié les discours devant les instances internationales et a reçu de nombreux prix, dont le Sakharov en 2014. Il a été cité pour le Nobel de la paix, il est également classé parmi les personnalités les plus influentes en 2016 par le magazine Time.
Alain Diasso

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