La chanson en lingala: quelles évolutions? partie4 et fin : L'auto-promotion

L'auto-promotion de la vedette et les rivalités fratricides comme thèmes des chansons

Même si cela pourrait sembler cocasse, il est à noter que l'artiste congolais, qu'il soit d'une rive ou de l'autre, s'autoproclamme dans chaque chanson comme étant le meilleur, le plus adulé, le plus aimé. D'où la prolifération des pseudonymes. Koffi Olomidé par exemple se surnomme Le Grand Mopao, Presley Olomidé, Mokonzi, Lettre A ( celle qui commence l'alphabet !) ; Papa Wemba se dit Le chef du village Molokai, Le Mzee ; Roga Roga du groupe Extra Musica se fait appeler « Missile » tandis qu'il clamme dans chaque titre que son groupe est « le seul et l'unique véritable Extra Musica », une manière de dénier toute légitimité à leurs dissidents qui ont créé un groupe portant à quelques mots près le même nom ; JB Mpiana, pour sa part, se présente comme L'Unité de mesure ou bien le Souverain Premier ; Werra Son révendique le titre de Roi de la forêt, et il compte dans son groupe un atalaku qui se fait appeler Le Roi David !

Ce culte de la personnalité donne alors le ton de la chanson, et certaines d'entre elles ne sont que des louanges de la vedette principale. C'est le cas dans la plupart des « génériques ». Dans Affaire d'Etat, on entend ces paroles de la bouche même de Koffi Olomidé ( Le Mopao ) en personne : Mopao mwana Africa mobimba Mopao likambo na moto té ( Mopao est un enfant de toute l'Afrique, et il n'en veut à personne ). Plus clair encore, Koffi Olomidé dit en fançais dans un de ses génériques : Il y a des wagons, et puis il y a la locomotive, le Grand Mopao...

J B Mpiana ( alias Le Souverain Premier ) chante pour sa part :

Souverain azali champion.../

Abeteli biso Zénith/ Abeti lisusu Olympia/ Ba pesi ye disque d'or/ Match esili... ( Le Souverain -JB Mpiana- est le champion : il a joué au Zénith, il a ensuite fait l'Olympia, et pour couronner le tout, on lui a donné le disque d'or... Il n'y a plus rien à dire ). Et ces paroles sont extraites du « générique » de l'albumToujours humble ! Cette autoproclamation se retrouve sur la plupart des titres, au point que des chanteurs de rumba classique, des chanteurs à paroles ( comme Madilu System ) s'y sont mis à leur tour.

De l'autoproclamation dans la chanson aux attaques personnelles, il n'y a qu'un pas à franchir. Les mélomanes congolais attisent d'ailleurs ces rivalités qui nourrissent désormais les textes des musiciens. Deux albums sont significatifs de cet état d'esprit : Solola bien de Wera Son et Toujours humble de JB Mpiana. Les deux artistes évoluaient autrefois dans un même groupe dont ils étaient les principales vedettes. La dislocation a entraîné une confrontation fratricide avec la création de deux groupes : Wenge Musica BCBG de JB Mpiana, le Souverain Premier et Wenge Musica Maison Mère de Wera Son, Le Roi de la jungle. Dans l'album Solola bien, Wera Son lance à l'encontre de son adversaire JB Mpiana :

Ah petit frère, solola bien ! ( Mon petit, il faut savoir de quoi tu parles ! )

Ce à quoi JB Mpiana, sachant que son adversaire se fait appeler Le Roi des animaux, répond dans son album Internet :

Na lekaki na jardin, na moni makaku, elongi ekokana na ye ! ( En me promenant vers le zoo, j'ai vu un singe dont le visage à ressemblait de ce type-là).

Cette rivalité est aujourd'hui une des raisons qui divisent les fans des deux groupes. Et il est même arrivé que cela se termine par des rixes en plein cœur de Paris ou lors de la sortie des concerts...

Si jadis le Grand Kallé, Wendo Kolosoy, Franco ou Tabu Ley avaient bercé le continent africain grâce à la rumba, les musiciens de la nouvelle génération accroissent l'audience de la musique congolaise. Certains d'entre eux ont rempli les salles prestigieuses de Paris comme L'Olympia, le Zénith et Bercy. D'autres, comme Ray Lema, Lokua Kanza explorent une musique différente, moins « endiablée » et dont l'audience internationale contribue à la vitalité de ce que certains appellent la World Music. Il reste que les « chansons à paroles » ont encore des jours devant elles. Et ce sont les mêmes artistes de la nouvelle génération qui perpétuent cette tradition. Dans chaque album, on compte toujours cinq ou six titres qui reprennent les thèmes éternels si chers au Poète Simaro. Dans ces chansons, la rumba reprend ses lettres de noblesse.

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